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  • Théâtre à 1'000mètres Les Breuleux

Xochitl Borel - L'alphabet des anges


A propos de l’auteur

Xochitl Borel... en voilà un prénom ! J’ai tout d’abord cru que c’était un pseudo, fantaisie d’auteur pour crocher l’attention car c’est vrai, ça interpelle sur une couverture, ce prénom qu’on ne sait pas trop comment prononcer. Après une recherche sur gougeule, j’ai compris que c’était bien plus intéressant que cela. Xochitl, qui se prononce « Sotchil », est en fait issu de la mythologie aztèque. Il s’agit de la première femme mortelle sur la terre. Voilà, après ce petit intermède wikipédien, parlons donc de Xochitl Borel. Née à Neuchâtel en 1987, ses parents l’emmènent au Nicaragua six mois après sa naissance. A treize ans elle fait le tour du monde, à vingt, un voyage à Istanbul puis des études en Sciences politiques à l’Université de Lausanne, un café culturel à Montreux (L’Ange boiteux), un passage prolongé et passionnant aux Editions de l’Aire, des chansons, de la danse, puis son premier roman, L’Alphabet des anges (source http://www.lelivresurlesquais.ch )

A propos du livre

L’Alphabet des anges , roman de 130 pages édité en 2014 aux éditions de l’Aire, est donc le premier livre de Xochitl Borel. L’histoire se situe après la seconde guerre mondiale, on ne sait pas trop quand mais en tout cas à une époque où faire appel aux « faiseuses d’anges » étaient encore une façon (barbare) de mettre un terme à une grossesse non-désirée. Ecrit dans un langage fait d’images, d’odeurs et de sons, l’ouvrage surprend, embarrasse la raison et contrarie l’intellect. C’est un certain regard sur la vie, où la beauté peut se nicher aussi dans la laideur, où l’instant présent n’a d’importance que s’il est vécu avec bonheur, où la végétalité, le primitif, l’instinctif, priment sur l’argument, le raisonnable, le conventionnel.


Critique d’humeur

C’est le premier livre que j’ai saisi. Il était mis bien en évidence sur le rayonnage. Le bleu-rayé de sa jaquette ressemblait à la pluie et moi j’avais envie de soleil. J’ai lu distraitement le quart de couverture. "...elle pouvait devenir aveugle ou poisson-lune, Aneth résisterait, et avec elle, sa liberté...". J'ai essayé de me distraire avec d'autres titres, d'autres quarts de couverture, en vain ; c'est L'Alphabet des anges, qui me cherchait... Tant pis pour le soleil, on peut aussi chanter et danser, sous la pluie, non ? Je l'ai acheté.


Ce livre est... comment dire... On est un peu troublé au départ, ce qu’on lit est poétique, mélodieux, floral, des mots comme des petits chats sauvages, parfois mutins, farouches, provocants, parfois drôles, joueurs, surprenants, toujours spontanés, vifs, vivants.


La douleur rend égoïste, m’avait répété ma grand-mère un jour devant ses petits pois qui s’écossaient un à un, dociles, sous ses doigts. Pensait-elle à son fils qui, emmuré dans sa tristesse en oubliait jusqu’à l’anniversaire de son enfant ? – C’est pour cela qu’on a le devoir d’être heureux, Soledad, au moins d’essayer de l’être, tu comprends ?


On entre à peine dans la lecture que dès les premières lignes l’auteure nous ôtes nos godasses, nous tire par la main et nous emmène courir pieds nus dans les champs. On la suit, ou plutôt on se laisse entraîner car on ne maîtrise déjà plus rien. On ne comprend pas trop où nous mènera l’écrit mais on avance parce que c’est beau et tranquille de suivre ce chemin de mots, c’est une marche en forêt avec des odeurs de résines et de terre humide et puis sans faire gaffe on pose le pied sur une branche et nous voilà soudain médusé par le bruit du bois qui éclate. Mais sitôt après, voilà un oiseau qui chante dans une branche et un rayon de soleil vient poser son doigt sur notre visage, y dessine un sourire.


Le contraire d’ « intelligence », c’est « instinct ». Il ne faut pas tout miser sur l’intelligence, sinon on meurt, vous entendez, on meurt. L’intelligence tue, opposée à l’instinct qui sait comment nous préserver. Regardez l’animal, il lui faut à peine deux heures, deux heures pour se connaître, après sa naissance. Puis il se met sur ses jambes, il suit son instinct. Peut-être bien qu’il n’apprend plus rien ensuite, mais il sait l’essentiel, se conserver.


Faut savoir se lâcher, se laisser faire, car si le texte est comme ce que les critiques disent de son auteure, il est autonome, aime le voyage, il est libre et anarchique, il fait ce qui lui plaît et apparemment il lui plaît de vous distraire sans vous égarer, de vous saisir sans vous retenir, de vous ébranler sans vous détruire...


Quand j’entrai dans ma chambre, je n’avais plus rien, plus d’envie, plus d’espoir. Mais posée sur le rebord de la fenêtre, laissée grande ouverte par mégarde, je vis le pot rempli de terre que j’avais trouvé le jour de mon emménagement, deux ans auparavant ; et dedans une pousse. Verte. Les plus grands miracles humains ne sont rien par rapport à ceux accomplis par les plantes. Je le comprenais ce jour-là. J’avais souvent hésité à m’en débarrasser, de cette terre brune et sèche, mais je ‘avais remis chaque fois à plus tard mon geste et, finalement, j’avais fini par l’oublier. Le pot était resté sur la fenêtre avec sa vieille terre. Il avait suffi de trois jours de lumière à l’air étonnamment doux de novembre pour faire naître, fragile mais belle, une tige verte et rendre.

Un texte très imagé, trop pour certains mais c’est justement ce qui me parle, à moi, ce que j’ai besoin aujourd’hui car ce n’est pas uniquement à ma tête que parle le texte, mais aussi aux chevaux qui galopent dans mes veines, à l’oiseau enfermé dans sa cage, à la petite fille assise sur mes genoux... À mon corps tout entier qui respire et vibre et ces petites ondes de choc, tressaillements imperceptibles, me remuent les entrailles, ébranlent mes murailles, bouleversent mes planques tectoniques...


Voilà, c’est un livre pour « l’instant présent », énergique, instinctif, plein de vitalité, qui se lit comme on respire. Ou qui se respire comme on lit. J’étais gorgée de Pessoa, d’Andreïev, de Thomas Sandoz, de... bref, des auteurs que j’aime beaucoup mais il me devenait impératif et nécessaire de sortir de l’ombre... J’avais besoin de soleil, avec « L’Alphabet des anges » j’eus une pluie de pétales, une source d’allégories, de couleurs, d’odeurs, ou comment être simplement en vie. Une jolie découverte.



26.03.2016/jb

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