Lettre à des amis perdus
« Je suis un murmurant, un diseur, un colporteur de mots, de phrases » confiait Julos Beaucarne dans l’émission « les orages de la vie » que lui a consacré la télévision belge RL TVI en avril 2012.
Conteur, poète, comédien, écrivain, chanteur et sculpteur belge, chantant en français et en wallon, Julos Beaucarne, né en 1936, manie avec virtuosité toutes les formes du langage. Ce personnage, poète immense, doté d’une remarquable intelligence artistique, est l’exemple d’une « humanité divine ». L’incroyable pardon qu’il accorde au meurtrier de son épouse, assassinée en 1975, en est le témoignage le plus poignant.
Un homme assurément exceptionnel, à écouter, mais à lire également. Avec "mon terroir c'est les galaxies", Julos Beaucarne nous livre un florilège de textes consacrés à la nature. Un bruissement de crayon sur des feuilles d'hêtres... Des textes drôles, fins, surprenants, en tout point ravissants, à lire et à relire, exhausteur de plaisir quand tout va bien, comme prescription médicale quand tout va mal...
Le jour est un vieux camarade
Il était déjà là lorsque naquit mon père
Et si j’en crois ce qu’il m’a raconté
Le jour existait déjà au temps de la naissance de mon grand-père et au temps de la naissance
de mon arrière-grans-père
La nuit est une vieille amie
Parfois amoureuse parfois anxieuse
Ma mère m’a dit un soir entre chien et loup :
« La nuit va venir elle existait déjà du temps de ma mère et
et du temps de ma grand-mère et ma grand-mère, disait-elle,
M’a raconté que sa mère sur son lit de mort lui avait dit
Que la nuit existait depuis si longtemps que personne ne savait
Quand elle avait commencé
Et moi j’ai raconté à mes fils un soir à la brumante
Que je voyageais avec deux amis : le jour et la nuit
Et ils regardèrent par la fenêtre
Et ils virent le jour saluer et disparaître
Et la nuit sourire dans le feuillage des peupliers trembles.
(mon terroir c'est les galaxies - p. 105)
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